Adieu ateliers souris, clavier… on vous aimait bien (et on vous aime encore)

Les médiateur·trice·s du Carrefour Numérique² n’animent plus les anciens ateliers d’initiation et perfectionnement aux TIC (technologies de l’information et de la communication), le cœur historique d’activité des EPN (espaces publics numériques). Ils sont repris par des partenaires, et l’équipe se concentre sur ses nouvelles activités de Fab Lab et Living Lab. Non sans regret, car les anciennes missions des EPN ont encore leur utilité.

Bonjour, je cherche des renseignements sur les formations Excel, lance un monsieur d’une cinquantaine d’années, un peu perdu dans le Carrefour Numérique². Ah désolé, on n’en fait plus, lui répond Thierry, un des médiateurs. Après avoir remporté l’appel à projet du grand emprunt numérique via le consortium de centres de sciences Inmediats, la mue a commencé. L’équipe se concentre sur ses nouvelles activités, Fab Lab et Living Lab, un changement traduit dans son nom, qui a gagné un « ² » à la fin.

Le Carrefour numérique² propose toujours cette offre dans ses locaux, mais elle est prise en charge par des animateurs d’un autre EPN. Elle est complétée par celle déjà existante de la Cité des métiers, une structure de la Cité des sciences dédiée à l’insertion, à l’orientation et à l’évolution professionnelle. Cette offre est cependant réservée aux salarié·e·s afin de favoriser leur maintien dans l’emploi. Si tous les créneaux sont pleins, ce qui est souvent le cas, le public est réorienté vers les autres EPN du quartier ou encore, pour les plus autonomes, à l’espace d’autoformation de la bibliothèque, précise Laurence.

Usagères du Carrefour numérique participant à un atelier d’initiation à l’informatique en 2012

Ces offres avaient été mises en place dans le cadre des Espaces Publics Numériques, un dispositif lancé à la fin des années 90 pour former les Français à ce qu’on appelait alors les NTIC (Nouvelles technologies de l’information et de la communication). Le Carrefour Numérique² faisait partie des 4500 structures de ce réseau maillant tout le territoire, avec un label obtenu en 2001. Nous avions mis en place trois cycles pour les grands débutants, se souvient Isabelle : ordinateur-souris-clavier, traitement de texte et Internet. Ensuite, ils accédaient aux ateliers “expertTIC”, pour apprendre des usages plus avancés : feuille de calcul, traitement d’images, réseaux sociaux, musique, etc.

La demande évolue aussi car elle est poussée par le politique

Aujourd’hui, Jacques Chirac et son « mulot » semblent appartenir à une époque révolue, on a fait sauter le N de NTIC, sauf quand on est un vieux ministre, et même TIC renvoie à un passé, à la fois très proche et très ancien, tant l’informatique a progressé vite. Les EPN sont en train d’évoluer pour répondre à l’évolution des besoins et de la demande mais aussi parce qu’ils sont poussés par la volonté politique de la ministre déléguée en charge du Numérique, Fleur Pellerin, sans que l’on sache précisément qui précède l’autre.

De fait, selon une étude très récente du Credoc, la fracture numérique se réduit de plus en plus : 8 personnes sur 10 ont accès à Internet chez eux et les trois-quart ont surfé sur Internet les trois derniers mois, contre 56% en 2007. Cela fait tout de même plusieurs millions de personnes qui n’utilisent pas Internet régulièrement, alors que l’outil est de plus en plus nécessaire pour accomplir des démarches quotidiennes. De plus, certaines personnes sont davantage à l’écart : les personnes âgées ou non-diplômées, entre autres. On ne peut pas justifier le changement d’offre en disant que la fracture numérique n’existe plus, résume Mélissa.

Par leur contact avec le public, les médiateur·trice·s du Carrefour Numérique² les plus ancien·ne·s ont senti que les missions d’origine ne sont pas à balayer d’un revers de la main. Olivier exprime avec vigueur un point de vue partagé par ses collègues : les anciennes offres sont encore demandées, elles auraient pu rester dans les missions de l’équipe pour servir de porte d’entrée, explique-t-il.

Atelier mené au Carrefour numérique en 2011

Compétences et lien social

Outre l’apport de compétences, elles comblent aussi pour une partie des participant·e·s une demande de lien social. Une personne âgée est venue me voir à la fin d’un atelier, en me serrant les mains, pour me remercier d’avoir illuminé sa journée, se souvient Isabelle. Elle s’interroge sur la faisabilité d’avoir l’offre globale assurée par l’équipe que souhaite Olivier : cela prend du temps, et le public n’est pas complètement le même. En effet, le Carrefour Numérique² doit avoir 40% de son public composé de 15-25 ans, de public dit « empêché » et de femmes. D’autre part, la nouvelle offre pourra sembler rebutante ou inadaptée à une petite mémé de 80 ans ou un chômeur en demande de formation sur les tableurs. Le Fab Lab a une dimension de lien social, poursuit Isabelle, mais il n’est pas forcément vu comme cela : la technique peut faire peur.

Avec le temps, le crew des mémés-pépés finira par s’aventurer au Fab Lab et au Living lab, qui pour dispenser un cours de couture, qui pour tester des robots domestiques sous le regard de chercheur·se·s, qui sait ?

Sabine Blanc

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