[Point de vue] En visite au Liberté Living Lab

Nous sommes allées visiter le Liberté Living Lab, à l’occasion de son inauguration, le 18 octobre 2016. Ce nouveau lieu est situé à quelques pas de NUMA, une autre structure bien connue des start-ups, dans le deuxième arrondissement de Paris. Nous avions rendez-vous à douze heures pour une visite de groupe menée par Rudy. Isabelle, chargée des évènements au Carrefour numérique², et moi partageons avec vous un extrait de nos échanges suite à cette visite.

Laurence : Tu t’attendais à trouver quoi en allant visiter le Liberté Living Lab ?

Isabelle : Je n’avais pas d’idées précises. Je ne savais pas à quoi m’attendre, je trouve que le nom est justement assez large. J’y suis allée en découverte… Au fait, tu te souviens pourquoi ce nom, Liberté Living Lab, a été choisi ?

Laurence : J’ai retenu des explications de Rudy que le mot Liberté a été choisi pour sa signification, la valeur qu’il véhicule et qui est spécifique à la France. Ils voulaient un nom qui marque une opposition avec le modèle de la Silicon Valley car les start-ups accueillies au Liberté Living Lab sont spécifiques au modèle français, plutôt attachées à des valeurs citoyennes. Et alors, tu as retenu quoi de cette visite, côté fond et forme ?

Isabelle : Leur modèle économique m’a marqué. J’ai particulièrement aimé leur principe de « don contre don ». Si une start-up ou une association n’a pas les moyens de payer le prix de la location d’un bureau, elle peut en contrepartie proposer de la formation, des ateliers, du contenu… Cette possibilité est donnée aux entreprises qui débutent, celles qui n’ont pas les moyens.

Sinon, les locaux sont marquants. Le lieu est immense, éclairé, bien rénové. Le mobilier est entièrement modulable. Le café-restaurant situé au rez-de-chaussée, en termes d’accueil, est un bon point.

Laurence : Je suis surprise, vu tes centres d’intérêts personnels, je pensais que tu allais me parler de l’étage où sont envisagées des activités de yoga ?

Isabelle : En fait, lorsqu’au début de la visite, Rudy a annoncé au dernier étage les activités de yoga et méditation, j’étais  en attente. Finalement en arrivant à l’étage, la salle n’était pas vraiment la salle de yoga que je m’imaginais… je ne m’y suis pas vraiment projetée. Le yoga se pratique à plat, sur le sol et là avec le mobilier et les matelas c’est plus une salle dédiée à la sieste. Cela sent plus le travail et le co-working que le yoga ou la méditation. Il faudra probablement réaménager la salle je pense pour y faire du yoga… Mais je vais regarder ce qu’ils font et j’irai probablement tester une activité. Et toi Laurence, qui est chargée de projet Living Lab, est-ce que pour toi c’est un Living Lab ? Dans quel sens ?

Laurence : Pas évidente ta question, je me suis interrogée la dessus durant la visite…

la salle dédiée à la sieste comprend une série de plans inclinés avec des matelas de sol
Salle dédiée à la sieste

Isabelle : Au Carrefour numérique², on accueille par exemple des chercheur·euse·s en résidence, qui proposent  du contenu, pour un public qui n’a pas forcément accès à ces technologies et en même temps ça fait avancer la recherche etc… dans quel sens leurs activités relèvent du Living Lab ?

Laurence : Effectivement, c’est dans leur nom. Pendant la visite on n’a pas entendu parler de la démarche Living Lab… mais la visite était courte et toutes les questions n’ont pas pu être posées. Ce que j’ai entendu c’est qu’ils ont l’intention d‘être un espace de co-working qui va réunir des personnes issues du milieu de l’entreprise, de la recherche, mais aussi des associations. J’y vois une volonté de favoriser les collaborations. D’ailleurs là-bas, il y a des personnes avec lesquelles on a mené des activités au Carrefour numerique² comme l’association du Lab School Network… donc il y a des accointances entre nos deux structures.

Isabelle : C’est plein d’acteur·trice·s qui se croisent en fait !

Laurence : Oui, c’est vrai ! Ils veulent développer un environnement propice aux collaborations. Après et Rudy l’a signalé comme un challenge pour eux, ils n’ont pas les gens, le public comme nous on peut l’avoir à la Cité des sciences, ceux et celles que l’on peut appeler des usager·ère·s ou des utilisateur·trice·s. Il disait d’ailleurs qu’ils allaient devoir organiser des évènements pour que leur lieu soit ouvert sur l’extérieur.

Donc je m’interroge sur comment vont-ils travailler avec la société civile, vont-ils parvenir à être ouvert et à s’adresser aux personnes en dehors du milieu de entrepreneuriat et comment ? Ça me semble fondamental parce que la démarche Living Lab implique de co-créer avec les gens, explorer avec les gens, expérimenter avec les gens, évaluer…Là, il faut leur laisser le temps de se mettre en place, d’ouvrir…

Isabelle : Je trouverai intéressant de savoir pourquoi ils ont utilisé et choisi le terme Living Lab, est-ce qu’ils sont par exemple labellisés ENoLL et s’y réfère ou pas ?

Laurence : Je ne sais pas. Seules leurs activités le diront ! Le Living Lab est une démarche à mettre en pratique et qui n’est pas très connue. Parfois s’y référer peut être utilisé pour communiquer, comme c’est le cas pour les Fab Labs. Certaines structures s’équipent de machines à commandes numériques et disent qu’elles sont un Fab lab alors qu’elles ne se référent pas obligatoirement à la charte du MIT, entre autre l’ouverture aux individuel·le·s, point fondamental qui permet de constituer une communauté. C’est le cas, de certains lieux de fabrication et prototypage qui sont réservés exclusivement aux salarié·e·s d’une entreprise ou aux étudiant·e·s d’une école. Je me souviens que l’équipe c’était posée la question lors de l’ouverture du Fab Lab à la Cité des sciences sur ce qui fait d’un lieu de fabrication un Fab Lab ou pas.

Isabelle : Et sinon pour conclure, qu’est-ce qui t’as marqué au Liberté Livign Lab ? En positif ou en négatif ?

Laurence : C’est l’esthétique du lieu, le mobilier en bois qui a été entièrement développé par des designers spécialisés dans l’ergonomie du travail. Il y a beaucoup de bois. C’est un matériau que je trouve très noble et chaleureux. L’usage d’un matériau ancien, simple, durable tel que le bois pour équiper des start-ups du numérique ça semble décalé mais ça révèle peut-être une tendance de fond, répondre à d’autres besoins !

Comme toi, la modularité du mobilier, je trouve que c’est bien pensé. Il faut le voir vivre, car là pour l’instant  le lieu a peu de vécu, c’est une page blanche comme ses murs ! J’ai bien aimé les petits détails, les marches de l’escalier central qui changent de couleurs en fonction des étages pour annoncer les niveaux.

Et après, surtout, ce qui m’a marqué, c’est le fait de clairement annoncer que les projets en résidence doivent créer de la valeur (pas uniquement financière) pour la société et avoir un impact à grande échelle.

Et troisième point, les financements, tu parlais du système de « don contre don » dans leur modèle économique pour ceux qui n’ont pas les moyens, je trouve cela aussi intéressant car cela permet d’avoir une ouverture sur les projets accueillis et soutenus. Le Liberté Living Lab n’a pas eu de subventions publiques pour ouvrir, c’est un projet qui a été totalement financé par le patrimoine des deux co-fondateurs et des emprunts, c’est une démarche privée. Nous, qui travaillons dans le secteur public c’est intéressant de voir ce qui se fait dans le privé, ça nous oblige aussi à avoir un regard sur notre mode de fonctionnement et nos pratiques. A ce sujet, il vise les grandes entreprises et cherche à les acculturer aux questions de transformations du travail et organise bientôt un évènement « Qu’est-ce que travailler aujourd’hui ? ». Voilà les trois points qui m’ont interpellée.

Isabelle : C’est un projet ambitieux, il est à suivre…

Photo de la salle de réunion debout, équipée d'une table sans chaises
Salle de réunion debout… pour éviter de longues discussions et prendre des décisions rapides.
Photographie de livres (Revue XXI, Le capitalisme est-il moral ? d'André Comte-Sponville et Alamut de Vladimir Bartol)
Bibliothèque partagée, constituée des ouvrages apportés par les résident·e­·s (au dernier étage).

Laurence Battais

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