Kerbal Space Program, le jeu qui fait aimer la physique

À l’occasion de l’événement iGamer 2016, nous avons demandé au producteur technique de Kerbal Space Program, Tedd Everett, comment ce simulateur spatial parvient à rendre ses joueur⋅se⋅s plus intelligent⋅e⋅s tout en restant amusant.

Je suis ce qu’on appelle communément « un littéraire ». Bien que passionné par les sciences, les mathématiques et les formules de physique sont longuement restées une barrière infranchissable. Puis en 2010 est arrivé Kerbal Space Program créé par Felipe Falanghe et l’équipe de programmation Squad. Depuis, il m’arrive de griffonner quelques chiffres sur une feuille de papier afin de calculer un Delta V (quantité d’énergie nécessaire pour quitter l’attraction d’un corps céleste comme la Terre).

Lapin crétin dans l’espace

À l’instar de Minecraft, Kerbal est un petit jeu indépendant qui a connu un bon succès et possède une communauté de joueur⋅se⋅s solide. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore, il s’agit d’un simulateur de fusées vous mettant à la tête d’une agence spatiale. En mode bac à sable, vous construisez votre fusée avec sa capsule de contrôle, des réservoirs de carburant et son moteur et vous envoyez le tout dans l’espace. Mais contrairement aux simulateurs « à la papa » ultra réalistes comme Flight Simulator ou Orbiter, Kerbal offre des graphismes mignons, des personnages aussi débiles que des lapins crétins et une accessibilité tellement bien faite, qu’un⋅e enfant de six ans peut y jouer. Il faut dire que le concepteur du jeu est lui aussi parti de zéro quand il a créé Kerbal. Ted Everett, producteur technique du jeu, raconte : Au moment où Felipe a démarré son projet, personne n’avait de connaissances en physique ou en mécanique orbitale. Ils ont dû tout apprendre eux mêmes avec des livres et Wikipédia. À la vue des véritables contraintes du voyage spatial, Felipe et son équipe ont donc décidé de simplifier au maximum les mécaniques de jeu tout en gardant le tout plausible. garder cet équilibre entre réalisme et un style plus arcade est l’un des objectifs les plus compliqués raconte Ted. Dans la réalité par exemple, les voyages durent très longtemps, nous on permet au joueur d’accélérer le temps. En fin de compte on a simplifié beaucoup de choses et gardé l’essentiel, à savoir les principes de navigation dans l’espace, les contraintes de la gravité et les orbites.

simple et complexe

S’il est facile d’accès, Kerbal sait se faire plus complexe et profond au fur et à mesure de la progression des joueur⋅se⋅s. Une fois qu’on a conçu une fusée stable, on tente alors de la mettre en orbite, c’est à dire de la faire tourner autour de la planète. On peut aussi tenter de « docker » deux appareils l’un à l’autre en orbite, une manœuvre qui demande plusieurs heures d’entraînement pour pouvoir être maîtrisée. On peut aussi explorer les lunes et les autres planètes du système kerbalien, envoyer des sondes, des rovers, installer des stations spatiales, ou des satellites d’observation. Bref, les possibilités sont presque illimitées et le jeu peut s’avérer aussi complexe qu’une « vraie » simulation. Comme le décrit si bien XKCD, dans son dessin, Jouer à Kerbal est le meilleur moyen de comprendre comment une sonde ou un vaisseau se déplace dans le système solaire, ce qu’est une apogée et une périapside, ou bien encore combien de Delta V il faut pour échapper à l’attraction du soleil.

Pour la gloire du fail

Pour permettre aux joueur⋅se⋅s de progresser et d’apprendre toujours plus, Felipe et son équipe se sont basés sur le bon vieux système d’essais et d’erreurs déjà présent dans les jeux comme Minecraft et son ancêtre, Dwarf Fortress. Il existe déjà beaucoup de jeux qui entraînent le joueur à travers un processus d’apprentissage guidé de A à Z, explique Ted. De notre point de vue ce processus n’est pas amusant et surtout pas vraiment gratifiant. L’idéal est de laisser le joueur faire sa propre expérience sans le sanctionner plus que ça. Au début ils essayent un design de fusée, puis ils s’aperçoivent qu’elles n’ont pas assez de carburant, ou qu’elle est trop lourde pour décoller. Au fur et à mesure des échecs, ils s’améliorent et apprennent toujours un peu plus. Les joueur⋅se⋅s de Kerbal peuvent aussi compter sur une communauté de fans très présent⋅e⋅s et surtout très actif⋅ve⋅s. Ils animent des wikis, pour aider les autres joueurs et conçoivent beaucoup de contenu additionnel gratuit qui change complètement le jeu, et le rendent plus difficile ou plus réaliste. Et n’imaginez pas qu’il s’agit que de simples amateur⋅trice⋅s de simulation. De nombreux⋅ses ingénieur⋅e⋅s de la Nasa ainsi qu’Elon Musk avouent passer des heures sur Kerbal. L’agence Spatiale Américaine a même collaboré avec l’équipe du jeu pour fournir une mission de récupération d’astéroïdes. On n’arrive toujours pas à croire que des vrais ingénieurs de la Nasa viennent nous dire qu’on a réussi à simuler de manière marrante et réaliste leur travail de tous les jours, c’est sans doute la plus grosse gratification que l’on peut avoir conclut Ted.

David-Julien Rahmil

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