Cairn, la table qui permet de manipuler et visualiser des données

La première question que l’on se pose lorsqu’on aperçoit la table de Pauline Gourlet, chercheuse en design à l’université Paris VIII, c’est à quoi elle peut bien servir. Mais plutôt que de vous répondre directement, Pauline vous renvoie la question et vous demande de réfléchir à l’utilité de l’objet qu’elle a conçu et co-créé avec Thierry Dasse (qui a rejoint l’équipe en septembre 2015, NDLR) au sein du Fab Lab du Carrefour numérique².

Tumulus de pierres

Découpée au laser et montée avec des équerres imprimées en 3D, la table ressemble de loin à un jeu de plateau gigantesque avec une multitude de petits pions multicolores posés dessus. Il s’agit en fait de petites chevilles de couleur que l’on peut planter un peu partout et sur lesquelles on enfile des pétales de bois et de plastique. Chaque fleur peut être considérée comme un tumulus de pierres que des randonneurs laissent pendant leur périple pour marquer leur passage explique Pauline. L’idée de base est de permettre aux utilisateurs de ces lieux de laisser une trace de leur activité. On a imaginé le dispositif comme une table autour de laquelle les participants peuvent circuler et échanger.

Auto-évaluation et subjectivité des données

Pour fabriquer son tumulus, il suffit donc de suivre le parcours inscrit sur la table. On choisit d’abord sa petite cheville en fonction de la raison de sa venue dans le Fab Lab. Ça peut être pour la construction d’un objet, la participation à un événement, la simple curiosité ou une autre raison plus large. Il faut ensuite choisir où mettre cette cheville. La table propose pour ça un emplacement défini à la fois par le nombre d’heures passé sur place et l’usage plus ou moins régulier du lieu. À droite on trouve donc les visiteur·se·s occasionnel·le·s, et à gauche les habitué·e·s des lieux. Savoir se placer sur la table est un enjeu très important, c’est une évaluation complètement subjective des utilisateurs de ce lieu qui reflète surtout la manière dont ils perçoivent leur place au sein du Fab Lab indique Pauline. Une fois la place trouvée, il suffit alors d’enfiler les petits pétales correspondant à son activité. Les options sont très variées allant de la conception d’un projet sur ordinateur à la fabrication d’un objet en passant par l’apprentissage ou l’enseignement d’un savoir-faire ou d’un savoir-être. Sur cette étape il est possible de faire preuve de créativité en faisant le plus beau tumulus possible ou bien en interprétant le code que représentent les pièces et leur couleur. Ce que j’aime bien dans ce projet c’est que ça ne norme pas la manière dont tu dois répondre, explique Pauline. Ceux qui participent repensent à leurs activités et les relisent en négociant le sens du code proposé. Qu’est-ce qu’un savoir-être ? Un savoir-faire ?

Sortir la data de l’écran

Et finalement quelle est la grande différence avec un questionnaire sur un site web et une data visualisation sur un écran d’ordinateur ? Pour Pauline, le fait de rendre concrète la collecte et la visualisation des données participe à une nouvelle démarche qui consiste justement à permettre aux participant·e·s de réellement s’investir. Grâce à cette méthode on est moins dans un processus automatique de questionnaire qui reste enfermé dans un écran. On entre dans une manipulation, le geste demande une réflexivité, on s’arrête en choisissant les pétales de bois et on se repose une deuxième fois la question. Les couleurs et les formes combinées au geste proposent de relire l’expérience avec une certaine émotion. En plus les participants construisent leur parcours et le rendent visible à tous, donnant à voir ainsi une image collective du lieu. Dans un lieu qui valorise la culture de la collaboration et de la fabrication, je trouve ça adéquat.

David-Julien Rahmil

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