La médiation fait sa mue

Troquer son costume de médiateur·trice TIC pour celui de Fab Lab manager et d’animateur·trice de Living Lab, est-ce un changement aussi radical que de passer de boulanger·e à conducteur·trice de train ? Les membres de l’équipe du Carrefour Numérique² soulignent les points communs, sans nier qu’il a bien fallu aussi changer de position, bon gré, mal gré.

Aujourd’hui, une majorité de Français·e·s sait utiliser Internet et les fonctions de base d’un ordinateur, sans nier les difficultés que rencontrent encore certain·e·s ni le distinguo entre savoirs techniques et compréhension des enjeux politiques.

À la fin des années 90, le gouvernement français avait créé les EPN, Espaces Publics Numériques, pour former à ces nouveaux outils, dont celui de la Cité des sciences. Ils sont actuellement 4 500.

Face à l’évolution des compétences et donc de la demande, mais aussi poussés par la volonté politique de la ministre déléguée en charge du numérique, Fleur Pellerin, les EPN sont en train de faire leur mue, bon gré, mal gré. Et voilà l’équipe de médiation TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) du Carrefour Numérique² amenée à endosser le costume de Fab Lab manager ou d’animateur·trice de Living Lab. Cette évolution s’inscrit dans le cadre d’Inmediats, consortium associant plusieurs centres de sciences, qui a remporté un appel à projet du grand emprunt sur le numérique. Comment l’équipe de médiation appréhende-t-elle ces nouveaux métiers ?

Aujourd’hui, dans le Fab Lab, la posture est différente

Isabelle est entrée en 2010 au Carrefour Numérique², après avoir exercé plusieurs métiers dont le fil directeur est la pédagogie et la vulgarisation. Évoluer une nouvelle fois ne lui fait donc pas peur, même si elle est plus une vulgarisatrice qu’une technicienne, je suis plus à l’aise sur des ateliers de sensibilisation, d’éthique, d’usages… que sur de la bidouille pure et dure. Je serai davantage sur les ateliers du Living Lab. Si elle perd d’un côté certaines activités qui lui plaisent, comme la photo, son grand dada, elle met le pied dans d’autres qui l’attirent : la robotique, la réflexion éthique, les nouveaux usages. La nouvelle posture de médiation demande une certaine adaptation : avant, j’étais habituée à détenir le savoir et le transmettre, pas pour dire “je sais” mais pour le plaisir de passer les informations. Aujourd’hui, dans le Fab Lab, la posture est différente, je ne sais pas forcément tout et j’apprends au contact des usagers.

Le métier est mal défini

Le métier de Fab Lab manager est récent, il est mal défini et Olivier en a retenu la possible dimension technique, avec laquelle il se sent moins à l’aise : Le changement de posture est un faux problème. Je me suis formé pour être médiateur TIC et j’ai été embauché pour ce diplôme et aussi pour ma passion pour la musique. J’ai du mal à retrouver cette cohérence entre l’offre et le métier dans ce nouveau projet. Il déplore un manque d’accompagnement, d’autant plus difficile dans ce cas de figure. Olivier regrette aussi qu’on laisse de côté une trame pédagogique qui a fait ses preuves au profit d’une autre : “vous allez apprendre les uns des autres”, alors que le rôle du médiateur est de tenir compte des stratégies d’apprentissage de chacun. Et note au passage l’engouement pour ces nouvelles pratiques qu’on faisait déjà : le pair à pair, le droit à l’erreur. Il souligne aussi que les anciennes offres proposées par d’autres animateurs, mais toujours dans le même espace, trouvent encore leur public : les EPN ancienne version sont encore pertinents, une question sur laquelle le blog reviendra plus tard. EPN ou Fab Lab, Olivier est tout de même content de continuer de faire de la médiation et de l’éducation populaire, malgré le fait que ce ne soit plus via ma spécialité, les TIC.

La posture du retrait ne me dérange pas, c’est génial de déclencher.

Matthieu fait partie de ceux qui ont rejoint le Carrefour numérique² justement par attrait pour ce nouveau métier et par désir de changement. C’est important de rester curieux dans sa vie professionnelle, pour continuer d’avoir envie. Il a une expérience de bibliothécaire, avec cinq années passées à faire de la médiation avec les jeunes. Au Carrefour Numérique², il arrive en secteur connu : je travaillais déjà avec eux sur les tablettes, le livre augmenté. Et sur le fond, il y a continuité, estime-t-il : Je faisais de la médiation dans un lieu imposant, intimidant. Dans les deux cas, tu les mets face à un problème. La posture du retrait ne me dérange pas, c’est génial de déclencher. Il prendra garde à trois points : être pédagogue face à un phénomène nouveau , faire comprendre que le Fab Lab, ce n’est pas vous pouvez faire ça, ça, ça et garder la convivialité.

De la continuité dans la confiance qu’on donne aux gens

Toute nouvelle au Carrefour Numérique², Mélissa avait déjà des expériences dans l’éducation populaire, l’animation de communauté et la défense des libertés numériques, entre autres à La Quadrature du Net. Elle reconnait que ce changement est de taille, elle voit de la continuité dans la confiance qu’on donne aux gens au Fab Lab. Et le Living Lab est aussi une démarche de démystification des laboratoires.

C’est nouveau pour nous tous mais c’est une opportunité

Rachid faisait aussi partie de la bibliothèque, comme magasinier, avant de rejoindre voilà un an l’équipe, une opportunité d’évolution. Depuis son arrivée, il s’est donc formé à la médiation dans ce contexte de changement. C’est nouveau pour nous tous mais c’est une opportunité, pense-t-il.

Rachid apporte sur le projet le point de vue de quelqu’un qui a vécu pendant plusieurs années en Algérie, un pays verrouillé et en développement : S’ils avaient des Fab Labs, des Algériens auraient peut-être déjà envoyé une fusée sur la Lune !, lance-t-il pour souligner les opportunités ouvertes par ces lieux. Plutôt bon bricoleur touche-à-tout, il a déjà monté en un week-end une RepRap avec Matthieu, qui marche (et ce n’est pas donné au premier venu, l’engin est parfois réfractaire). Il est en revanche plus dans l’expectative sur l’activité Living Lab, moins palpable.

Mon profil était aussi multi-casquette

Thierry n’est pas non plus un inconnu à la Cité des sciences. Avant, il a été chef de projet serious game et a aussi arpenté le laboratoire LUTIN UserLab, qui est déjà un Living Lab. C’était déjà du travail de médiation, mon profil était aussi multi-casquette, explique-t-il. Je n’ai pas de grosses appréhensions. Mais je ne ferai pas de gestion budget ! Les commandes de vis, ce sera pour David Forgeron, le bien-nommé chef de projet Fab Lab. Thierry assurera aussi la partie évaluation, une tâche peu mise en avant mais importante, qu’il effectuait déjà au LUTIN UserLab.

Sabine Blanc

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