Thierry, médiateur-bricoleur

Thierry Dasse passe du temps au Fab Lab. Non pour flâner, mais pour concevoir des objets pour les animations de la Cité des sciences. Créativité, souplesse, personnalisation, ce médiateur scientifique a trouvé un outil bien utile pour son métier.

L’année dernière, Thierry Dasse a mis le doigts dans l’engrenage des Fab Labs, un engrenage fait main bien sûr : ce médiateur scientifique avait besoin d’en fabriquer pour un atelier mécanique. Je voulais parler des formes de dents, et je n’en trouvais que des standards, en développante de cercle. Ces formes fantaisistes étaient trop complexes pour la menuiserie traditionnelle, se souvient-il. Direction donc le Fab Lab et sa découpe laser où ce bon bricoleur a trouvé son bonheur. Et depuis, il y est retourné régulièrement, dans le cadre de son travail ou pour ses projets personnels.

On peut se permettre d’avoir plus de créativité. Certes il y a des limites liées aux machines par exemple, mais cela ouvre des libertés énormes, explique-t-il, derrière son bureau encombré d’objets hétéroclites, tous pour le boulot, précise-t-il, et parmi lesquels… des pâtes. Je travaille sur une animation sur les empilements granulaires, détaille-t-il. J’ai conçu à l’échelle ½ un prototype de récupérateur, et j’aimerais bien faire des tests avec des pâtes, la nouille sera modélisée, à un format agrandi, pour que le public voit bien, et imprimée.

J’apprécie la philosophie du lieu

Thierry était venu pour des outils, il revient maintenant aussi pour l’esprit du lieu. J’ai trouvé du monde pour m’aider, puis je suis devenu autonome, tu te débrouilles, tu fais des tests, c’est ça que j’aime. J’apprécie la philosophie du lieu : le partage, l’entraide, développe-t-il. Mais sur la documentation, il n’a pas tout mis en ligne sur le wiki, comme le préconise la charte, par a priori, alors que rien ne lui interdit en théorie : Les plans des engrenages n’y sont pas, je me dis que c’est un savoir Cité des sciences.

Mais cet état d’esprit particulier ne convient pas à tout le monde d’emblée. Je trouve ça génial mais je ne m’en sens pas capable, regrette sa collègue Anaïs. Concevoir avec le logiciel, je n’y arriverai pas, ça me fait encore un peu peur. C’est pour cela qu’on l’a lancé sur le coffre-fort.

On hésite moins à essayer

Le coffre-fort en question a demandé plus d’une poignée d’heures à Thierry. Ses collègues en voulaient un pour une animation autour de l’exposition Krach Boom Mue, mais les délais étaient trop courts pour la menuiserie de la Cité des sciences, alors Thierry s’y est collé de bonne grâce. Résultat : 80 centimètres de haut, quasiment tout en bois, serrures comprises, vernis, avec des roulettes et des étagères à l’intérieur pour ranger le matériel de l’animation. Le Fab Lab présente aussi l’avantage d’être souple, par rapport à une entreprise extérieur ou à la menuiserie. On hésite moins à essayer, on ne craint pas d’embêter le menuisier. En plus, les logiciels libres abaissent le coût de conception, poursuit Thierry. Pour autant, le Fab Lab ne supprime pas la nécessité d’une menuiserie traditionnelle, les deux sont complémentaires, en fonction du projet, de l’outillage nécessaire, du temps, des savoirs et envies des médiateur·trice·s…

Attentif à la scénographie, Thierry apprécie de pouvoir concevoir des accessoires soignés, qui créent une ambiance cohérente qui a de la gueule, ça participe de la transmission. Il a ainsi construit une table en forme de palette de peintre pour l’atelier « l’art et la matière », dans le cadre de l’exposition sur Léonard de Vinci.

Réparer, c’est aussi bien utile

Autre atout, le Fab Lab permet de réparer, ajoute-t-il en tendant un support de webcam réparé avec une pièce en plastique imprimée. Il évoque encore le cas d’une horloge dont un cliquet avait été cassé, nécessitant d’en racheter une neuve. Du coup, il a fait une série de cliquets, pas très solides mais autant sinon plus que les originaux.

Professeur de mathématiques détaché, Thierry a pu constater l’intérêt que portent certain·e·s enseignant·e·s au concept, en particulier celles et ceux de technologie, via le programme Cité en alternance, qui offre à des classes d’établissements en ZEP de venir régulièrement concevoir un projet sur une année. Il tend une brique blanche, réalisée dans ce cadre avec du papier recyclé. Les élèves qui l’ont réalisée font partie d’un club scientifique, ils ont eu droit à une séance d’initiation au Fab Lab. La phase d’après, ce pourrait être d’y fabriquer des moules plus complexes, pour concevoir des meubles ou encore des murs antibruits.

Ce sera un de ses derniers gros projets à la Cité des sciences car il doit partir l’été prochain. Quand il ne sera plus là, il faudra se débrouiller, anticipe déjà Anaïs. Alors pour faire la passation de bricolage en douceur, il a commencé des formations en interne sur Sketch Up, le logiciel de modélisation 3D de Google. Et nul doute qu’il prendra le temps de revenir bidouiller au Fab Lab après son départ, pour ses projets perso ou ceux de sa fille qui lui a déjà commandé un chariot pour ses jouets. Plus on l’utilise, plus les idées viennent, conclut-t-il. Je ne sais pas comment Thierry trouve le temps…, soupire Anaïs. Peut-être a-t-il conçu une machine à se démultiplier ?

Sabine Blanc

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