Le Carrefour numérique², pôle de ressources et de convictions ?

1er juillet 2014 – Des dispositifs de soutien au déploiement des emplois d’avenir fléchés vers les EPN (espace public numérique), et aux lauréats de l’appel à projets Fab Lab de 2013 ont été mis en place, auxquels le Carrefour Numérique² contribue, naviguant entre velléités gouvernementales et réalité plus compliquée.

À peine sortie d’une session de formation, l’équipe du Carrefour numérique² va à son tour endosser le costume de formatrice, dans le cadre du dispositif des 2000 emplois d’avenir fléchés vers les EPN. Ces postes doivent soutenir les espaces numériques dans l’évolution de leur offre, comme l’avait annoncé Fleur Pellerin l’année dernière, alors ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des Petites et moyennes entreprises, de l’Innovation et de l’Économie numérique. Six nouveaux métiers, correspondant à six activités, ont été définis par la délégation aux usages de l’Internet (DUI) en lien avec les EPN, et le Carrefour numérique² a été désigné comme pôle de ressources interrégional pour former les tuteur·trice·s de ces futur·e·s employé·e·s en EPN. Le même modus operandi avait été mis en œuvre lors du lancement des EPN, comme le rappelle Pierre Ricono, qui supervise ce dossier : Le déploiement des EPN s’était déjà appuyé sur des emplois-jeunes lancés par Lionel Jospin. Nous travaillons avec la DUI depuis plusieurs années. Après qu’elle nous a accordé le label Cyberbase (un des labels EPN, NDLR), nous avons aidé à l’installation de 500 cyberbases et formé 1000 animateurs. Les pôles de ressources interrégionaux ont été soutenus par la DUI dans le cadre d’un partenariat lié à leurs expérimentations déjà engagées sur les nouveaux usages du numérique, à leurs compétences, à leur expérience acquise auprès des réseaux des EPN, et à leur reconnaissance institutionnelle par les réseaux territoriaux ou nationaux, complète Amélie Turet, chargée de mission à la DUI. Le Carrefour numérique² avait anticipé le nécessaire accueil de nouveaux services pour s’adapter à l’évolution des usages numériques et de l’Internet. De son expérience d’accompagnement des emplois jeunes, il peut tirer des bonnes pratiques pour le dispositif “2000 Emplois d’Avenir en EPN”.

Des médiateurs et des techniciens roues de secours

Au préalable, il a fallu et il faut encore batailler avec la DUI, pour que les emplois d’avenir intègrent une composante métier de la médiation et non de purs techniciens roues de secours. Il faut des passeurs machines-public, soutient Pierre. Bras de fer pas tout à fait gagné puisque sur les deux fiches de poste déjà dressées, l’une est très technique justement : les futur·e·s forgeur·se·s numérique seront en charge de « l’assistance technique ». Assistant·e·s vidéoludique, régisseur·se·s multimédia, assistant·e·s de valorisation des usages numériques responsables, assistant·e·s de valorisation numérique du territoire, assistant·e·s de formation aux usages mobiles (ouf !) sont les cinq autres métiers amenés à apparaitre.

Les cinq pôles de ressources interrégionaux accompagneront les EPN en les épaulant pour trouver un·e tuteur·trice en entreprise par emploi. Il s’agit d’entreprises qui font déjà de la conception et de la fabrication assistée par ordinateur, et/ou de la conception 2D et 3D pour les forgeurs numériques, poursuit Pierre. Les pôles aideront aussi à dresser le parcours emploi-formation, en s’appuyant sur les formations déjà existantes comme à Limoges, ou les nouvelles qui surgissent, lancées par des organismes alléchés par la manne de 3 millions d’euros débloquée. La DUI précise qu’ils pourront ainsi être recrutés à terme auprès du secteur privé, ou d’acteurs publics ou associatifs. Mais vu le contexte des finances publiques, l’État espère surtout que le privé absorbera ces jeunes, d’où l’importance de bien faire la relation avec les entreprises. Le tout se fait sous la houlette de la DUI, qui joue un rôle de coordinatrice. La DUI pilote le déploiement du dispositif en facilitant la communication entre les acteurs à l’aide d’outils (grille d’autodiagnostic de compétences, annuaire des EPN, veille en ligne) et de temps de coordination et de concertation (comités de pilotage, réunions thématiques), détaille Amélie Turet. Elle finance également l’intervention des pôles de ressources interrégionnaux.

Les emplois sont censés être pourvus par des jeunes avec une faible qualification, seul le niveau IV (bac, entre autres), est requis. Dans la réalité, estime Pierre, il s’agira pour la plupart de personnes plus diplômées, prêtes à prendre n’importe quel job. Il y a un fantasme du jeune décrocheur ingénieux qu’on rattrape. Amélie Turet précise : ces métiers visent tout autant les décrocheurs, que les jeunes peu diplômés en recherche d’emplois, que les jeunes diplômés en ZUS (zone urbaine sensible) et en ZRR (zones de revitalisation rurale). Selon le niveau de compétences, ces assistants bénéficieront d’un parcours de formation personnalisé susceptible de les amener au niveau bac. Les décrocheurs visés doivent bénéficier d’un accompagnement attentif pour utiliser au mieux les trois années de ce dispositif pour se former, acquérir de l’expérience professionnelle et réussir à entrer dans l’entreprise marraine ou dans le secteur d’activité dont elle relève. Certains animateurs multimédia et médiateurs numérique débutants diplômés ont également été recrutés par des EPN, des Fab Labs, des tiers-lieux… La région Nord-Pas-de-Calais a par exemple recruté 180 Emplois d’Avenir numérique pour assurer la maintenance informatique des établissements scolaires au sein de nouveaux centres de ressources conduits par des ingénieurs.

Lent démarrage

Pour l’heure, le déploiement des emplois d’avenir dans les EPN commence très lentement, une soixantaine à ce jour, dont une partie est détournée pour maintenir l’offre d’animation multimédia et informatique, estime Pierre, les activités actuelles des EPN tournent bien. Faute de candidat·e·s, les premières formations pour les tuteur·trice·s des forgeur·se·s numériques, prévues en février et avril, ont été annulées. Plus de 250 Emplois d’Avenir numériques ont été signés depuis le lancement du dispositif il y a huit mois, explique de son côté Amélie Turet, justifiant le retard : le rythme du déploiement s’explique en particulier par l’exigence de qualité du dispositif mis en place par la DUI en termes d’ingénierie de projet numérique local et d’accompagnement en double tutorat du jeune en emploi d’avenir. Même à ce rythme, la totalité des emplois ne sera pas pourvue à la fin du mandat de François Hollande.

Fédérer l’écosystème

Le second volet, sur lequel le Carrefour numérique² en tant qu’équipement d’accompagnement labellisé intervient, concerne uniquement les Fab Labs. Suite à l’appel à projets Fab Lab de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, quatre pôles interrégionaux de soutien sont chargés d’aider les lauréat·e·s à fédérer l’écosystème autour d’eux. Le Carrefour numérique² est compétent sur la zone Nord-Est et l’Île-de-France. Même si les Fab Labs sont sortis de l’ultra-confidentialité de naguère, ils restent encore méconnus. Il s’agit de contribuer à les rendre publics, indique Pierre, avec des événements par exemple, à constituer un maillage national des Fab Labs et à instituer un travail collaboratif entre espaces de fabrication numérique.

L’enjeu de ce volet formation est aussi financier pour le Carrefour Numérique², invité à trouver un modèle d’affaires : 40 à 50% de ressources propres devraient, à terme pour ces prochaines années, dès la fin du financement public du programme Inmédiats, provenir de la formation, soit 75 000 euros par an, précise Pierre. Et la formation n’est pas la pire des sources de revenus, face à d’autres options moins « service public », comme des tarifs locatifs élevés, une offre éducative et culturelle devenant majoritairement commerciale, ou la privatisation excessive du lieu.

Sabine Blanc

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