Union Station, Maker Faire KC, 5 minutes d’arrêt !

Kansas City, MO Union Station – Ron Reiring – licence CC-Attribution

Comme je vous le disais dans notre article d’introduction, les trains dans le Kansas ne sont plus vraiment à la dernière mode : Union Station, la gare centrale historique de Kansas City et région est donc aujourd’hui largement reconvertie, et héberge de nombreux services centraux pour la vie culturelle et entrepreneuriale locale : un musée de l’histoire ferroviaire, un planétarium, un écran de cinéma géant, la chambre de commerce locale… Et surtout Science City, l’équivalent local de notre Cité des Sciences !

C’est là que j’ai pu rencontrer une partie de l’équipe Science City/Maker Faire Kansas City – alors joignez-vous à moi pour une discussion avec Margaret Hoang (coordinatrice de la programmation pour Science City), Luis Rodriguez (producteur de Maker Faire KC) et Christy Nitsche (directrice de la programmation pour Science City) sur les origines de cette manifestation qui met le DIY local à l’honneur, les racines de la culture de la bidouille locale et ses évolutions possibles dans les prochaines années.

Equipe Science City/Maker Faire KC

L’équipe de Science City/Maker Faire KC – de gauche à droite Margaret Hoang, Luis Rodriguez et Christy Nitsche

Comment a commencé la Maker Faire de Kansas City ?

Luis Rodriguez : Nous sommes allés à la Maker Faire de Detroit de juin 2010, avec la fondation Ewing Marion Kauffman, pour y distribuer des boîtes de pastilles à la menthe toujours très utilisées dans les projets DIY, faire la démonstration d’imprimantes 3D et parler des programmes de soutien aux entrepreneurs de la fondation – établie à Kansas City et Detroit.

Nous avions déjà prévu une mini-Maker Faire de trente tables, mais à notre retour, un des cadres de la fondation a suggéré qu’on monte en puissance : l’équipe à l’origine de la mini-Maker Faire cherchait déjà un endroit plus grand où installer un tel événement, et le mois de juin 2011 semblait parfait ; c’était après la Maker Faire de Bay Area, les makers seraient donc a priori disponibles puisqu’ils se déplacent généralement à travers le pays pour assister aux différents événements DIY nationaux. Dale Dougherty, le fondateur de Maker Faire, est venu évaluer l’intérêt pour un événement plus important dans la région en janvier, et nous avons entamé les discussions pour convaincre Union Station d’héberger l’événement. Après tout, le lieu est à la croisée des chemins entre sciences, arts et entrepreneuriat. Il nous aura fallu deux mois pour les convaincre !

Christy Nitsche : Il n’aura pas fallu grand-chose pour convaincre Union Station en ce qui concerne l’événement-même – Maker Faire s’inscrit dans les domaines chers à Science City et à l’Union Station. Mais c’était un événement d’une échelle encore jamais éprouvée pour le groupe, nécessitant que des sections entières des bâtiments leur soient dédiées. La direction a donc fait ses propres recherches pour comprendre ce qu’impliquait une Maker Faire. L’événement avait déjà un lien fort avec Science City et ses missions, dont les activités et montaient également en puissance à l’époque. Les choses ont évolué naturellement à partir de là.

Comment la Faire a-t-elle évolué depuis sa première édition ?

Luis : Eh bien tout d’abord, par le nombre de visiteurs ! Ils étaient 5000 la première année, et on en était très contents – on ne pouvait pas vendre de billets en ligne, et donc aucun moyen de savoir combien de visiteurs viendraient. C’était une grosses surprise ! Leur nombre a continué à augmenter chaque année et en 2015, ils étaient 17000 à assister à l’événement.

La Faire a également eu un thème différent chaque année. La première année tournait beaucoup autour de l’impression 3D, des technologies développées par les makers et du steampunk (NdThomas : le steampunk est un mouvement mélangeant la technologie et la culture de l’Angleterre victorienne avec les méthodes de création et les technologies de notre époque) – les steampunks sont d’ailleurs fidèles au rendez-vous chaque année ! En 2014, une grosse communauté de fans de voitures s’est jointe à nous et plus récemment une grosse communauté de créateurs vidéo – historiquement, Kansas City a une grosse industrie du cinéma – ainsi que des fermiers urbains.

Christy : Ces thèmes ont émergé naturellement, sur la base des propositions des makers qui s’inscrivent pour tenir une table à la Maker Faire. Notre seul requête, c’est qu’ils présentent des activités appropriées à tous les âges. La Maker Faire est un événement familial – c’est notre seul critère de sélection. Ces deux ou trois dernières années, les makers présents ont des centres d’intérêts de plus en plus variés : des artisans traditionnels aux scientifiques et leurs expériences, on voit des passionnés qui couvrent tout le spectre de la création et des compétences.

Comment la Maker Faire Kansas City, un événement annuel, s’harmonise-t-elle avec les missions de Science City et de Union Station ?

Luis : Au début, nous étions ouverts pendant les week-ends uniquement, puis nous avons commencé à ouvrir tous les matins en même temps que Science City, et nous avons des soirées portes ouvertes tous les mardis. Les écoles viennent souvent nous voir pendant la journée. Notre Fab Lab, le Maker Studio, est né pendant la Maker Faire – mais il n’a pas de système d’abonnement ou d’adhésion traditionnel (NdThomas : l’accès au Maker Studio est ouvert à toute personne avec un billet ou abonné·e annuel·le de Science City) . Nous disons aux gens que nous rencontrons à la Maker Faire où aller pour continuer à explorer le monde du DIY, qu’ils soient de Kansas City, de sa banlieue ou de sa région élargie. On les envoie aussi souvent vers les bibliothèques ou les hackerspaces et makerspaces locaux, par exemple.

Christy : Là encore, on doit saluer le travail de la Fondation Kauffmann. Ils nous ont aidés à ouvrir le Maker Studio et leurs subventions bénéficient au Studio comme à la Faire. Grâce à elles, ils fournissent une aide précieuse aux entrepreneurs et à la jeunesse locaux – une possibilité de créer, de fabriquer des choses de leurs mains. C’est également un élément important de la culture locale – quelque chose que le public a besoin de redécouvrir.

Luis : Dans le Midwest en général, et dans la région de Kansas City en particulier, la génération de nos grands-parents a traditionnellement grandi dans des fermes : comme on peut l’imaginer, on ne peut pas vraiment appeler quelqu’un pour réparer un outil qui vient de casser quand on est à la ferme – il faut soit fabriquer un outil de remplacement, soit le réparer soi-même ! Quelques personnes que j’ai vues aux Faires et au Maker Studio – des enfants, mais aussi leurs parents – ne savent pas se servir d’outils traditionnels comme un marteau. Et c’est normal, dans un environnement urbain ! Ces outils ne sont pas facilement accessibles, on les trouve chez les scouts, dans l’atelier chez les grands-parents ou dans les fermes, mais pas dans un musée ou dans une bibliothèque… Jusqu’à récemment !

Christy : Dans l’espace urbain et le centre ville, la bricole n’est tout simplement pas la norme. Mais la ville et la communauté redécouvrent avec enthousiasme leurs racines de makers et d’entrepreneurs. Et les compagnies locales s’en sont également rendu compte en tournant la page du travaille dans un bureau, pas dans le cambouis d’il y a quelques années : ils ont compris qu’ils ont besoin d’ingénieurs qui ne sont pas juste des spécialistes, et qui savent comment fonctionnent les outils, qui fabriquent ce qu’ils conçoivent, s’ils veulent être compétitifs à l’échelle industrielle ou internationale.

Luis : Les entreprises veulent des ingénieurs qui ont de l’expérience avec les outils dont ils vont se servir, qui ont fait des choses de leurs mains à côté du boulot.

Christy : Les compétences manuelles sont une nécessité, aujourd’hui encore plus qu’hier.

Luis : Nous avons aidé des inventeurs locaux à créer des prototypes pour qu’ils puissent enfin tenir leurs inventions dans leurs mains. Nous nous assurons également que les gens savent que les outils sont juste des outils, et qu’ils utilisent le bon outil pour leurs projets, au lieu de se tourner directement vers les imprimantes 3D.

Luis avec le mur d’imprimantes 3D maison du Maker studio, récemment utilisé pour réaliser des prothèses de mains.

Qu’est-ce qui rend le DIY dans le Kansas unique, pour vous ?

Christy :  Tous les makers qui participent à la Maker Faire sont représentatifs de Kansas City : on ne parle pas toujours d’eux aux infos, en tous cas pas les infos généralistes ; ils n’essaient pas de changer le monde avec un nouveau produit et n’ont pas de nouvelle gamme à lancer, mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de liens forts avec les industries de la haute technologie.

Luis :  Oui, ils sont nombreux à être aussi ingénieurs dans des compagnies installées dans la région, et ils cultivent leurs fantastiques loisirs à côté du travail. Ils ne sont pas forcément mécontents de leur indépendance vis à vis des entreprises pour lesquelles ils travaillent : ils sont heureux d’être reconnus pour ce qu’ils font et pas pour qui ils travaillent.

À votre avis, dans quelle direction se dirige le DIY dans la région dans les années qui viennent ?

Christy : Il y a beaucoup de gens qui veulent voir grandir notre Maker Faire, et nous avons une grosse extension prévue qui transformera la zone à l’extérieur du Maker Studio en espace vert où installer les tentes : ça permettra à encore plus de makers de nous rejoindre pour cet événement et de montrer leur travail. Maker Faire mise à part, nous préparons d’autres événements plus petits au lieu d’un unique gros événement annuel ces cinq prochaines années. Le Maker Studio va continuer à faire équipe avec d’autres organisations pour impliquer les jeunes et se déplacera hors-site pour faire connaître le mouvement des makers, tout en étoffant le programme sur site… La culture des makers continuera sans doute à s’intégrer à notre quotidien.

De nouveaux outils arriveront bientôt au Maker Studio parce que la fréquentation continue à grimper – parents, enfants et familles évidemment, mais également les enseignants. Ils apprennent à intégrer tous ces outils dans leurs classes – Ryan, l’un de nos éducateurs, les aide à s’habituer aux programmes scolaires orientés projets. Avec la pratique, ces outils et ce type de fonctionnement leur deviendront bien plus familiers.

Luis : Certaines écoles intègrent déjà ces outils dans leurs classes et leurs programmes scolaires via la bibliothèque scolaire ou parfois même dans chaque salle de classe. Quatre ou cinq écoles dans le district de Liberty travaillent activement, en ce moment, à la transformation d’une partie de leur programme scolaire pour y intégrer l’impression 3D et le prototypage : intégrer des projets de classes plus ouverts est parfois difficile pour eux, parce qu’ils ont des standards scolaires à suivre. Mais il y a beaucoup de gens pour aider les enseignants à concilier la culture des makers avec les aspects plus stricts imposés par ces standards scolaires.

Christy : Différents outils pourront les aider de différentes manières – tous les outils sont bien plus disponibles aujourd’hui, mais nous fournissons aussi des ressources aux enseignants pour qu’ils puissent continuer sur leur lancée après avoir quitté la Maker Faire ou le Maker Studio.

Quel est le projet DIY qui vous a le plus impressionné·e·s ces dernières années, et pourquoi ?

Luis : Pour moi, c’est Arc Attacks et leurs bobines de Tesla, un gros symbole pour Science City ! Le public courait pour s’en éloigner, les enfants couraient pour voir de plus près ! Les Power Wheels sont aussi super – le spectacle d’hommes adultes qui transforment des Jeeps Barbie en voitures de course a quelque chose d’unique. Ou le Nerdy Derby ! En gros, une course de voitures sculptées dans le bois comme les organisent les scouts, mais avec des voitures personnalisables.

Christy : C’est pas facile – je pourrais peut-être me limiter à un projet par espace ! La résurgence actuelle des machines à sérigraphie et des matériaux traditionnels qu’utilisent les makers est vraiment très cool, et très impressionnante. Et les artistes culinaires ! Certains artisans locaux font des choses phénoménales. Il y a aussi les sculptures de feuilles de plastique de Juniper… Ou les artbots, des robots équipés de feutres qui dessinent en dansant sur des feuilles de papier géantes ! En gros, j’adore tous ces projets qui semblent très basiques, mais dont les gens se souviendront longtemps après leur passage au Maker Studio.

À l’entrée du Maker Studio, une des sculptures de Juniper accueille les visiteurs.


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Tom Maillioux
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