Makers et Fab Labs, le bilan d’un mouvement [1/3]
Tiraillé entre une volonté de garder sa marque contre culturelle et une institutionnalisation galopante, le mouvement maker est en pleine mutation et se cherche encore un avenir à travers les Fab Labs. Organisée lors de la foire de Paris 2016, la troisième Maker Faire française a attiré plus de 65 000 visiteur·se·s curieux·ses de découvrir les outils et les créations des makers. Ce doublement de visites par rapport à 2015 montre à quel point le phénomène intrigue et attire le grand public. Consolidé par plus de 150 lieux dédiés à la fabrication mais aussi à la bidouille numérique, le mouvement maker porte en lui une promesse : celle de permettre au plus grand nombre de dépasser le statut de consommateur·trice·s et de contribuer à une nouvelle révolution industrielle locale et open source. Que ce soit au sein des Fab Labs où une poignée de passionné·e·s invente les objets de demain, des entrepreneur·se·s qui prototypent leur produit avant de monter leur start up, ou bien les grandes entreprises comme Leroy Merlin, Ikea ou Boulanger qui mettent à disposition de leurs client·e·s des outils pour fabriquer, réparer ou personnaliser leur objet, les exemples de nouvelles formes d’innovation ne manquent pas. Mais cette promesse concerne-t-elle vraiment le plus grand monde ou bien une niche composée de designer·e·s et de bricoleur·se·s ? Derrière les beaux discours, quel est l’avenir des makers en France ? Retour aux sourcesAvant de voir où va le mouvement maker, penchons-nous un instant sur ses origines plutôt récentes. Si l’on s’en réfère au terme même de « maker », celui-ci a été inventé en 2005 par Dale Dougherty, le fondateur de Make Magazine et de la Maker Faire. Si les bidouilleur·se·s et les communautés de hacker·se·s existaient bien avant ça, il est toutefois l’un des premiers à avoir fédéré une véritable communauté de bricoleur·se·s amateur·trice·s qui se revendique de la culture DIY pour Do it Yourself. Cette éthique héritée du mouvement punk des années 70 prônait déjà un rejet du consumérisme et une valorisation de l’artisanat, de la personnalisation et du détournement d’objet. Si la plupart des termes sont anglo-saxons, la France n’est pas en reste comme le confirme Philippe Schiesser, directeur de l’Ecodesign Fablab de Montreuil : Cette dimension politique, on la retrouve beaucoup dans les hackerspaces, que l’on qualifie souvent d’ancêtre des Fab Labs. Les premiers lieux de ce type ont ouvert dans le milieu des années 90 en Allemagne et permettent aux hacker·se·s mais aussi aux bricoleur·se·s de partager une culture du détournement d’objet et de la bidouille informatique, dans un endroit qui n’est ni la maison ni le travail. À la croisée entre la technique, les sciences et l’art, les hackerspaces vont essaimer partout dans le monde (le site hackerspace.org en répertorie 1280 en tout). Cependant, la France restera longtemps réfractaire aux hackerspaces. En effet, le premier modèle du genre, le Chaos Computer Club France, créé en 1989 à Lyon, se révéla être une initiative dirigée par l’ancienne direction de surveillance du territoire (DST) afin de surveiller l’activité des hacker·se·s. Cette petite manœuvre forcera les véritables hackerspaces à rester cantonnés aux milieux underground, jusqu’à la fin des années 2000. Aujourd’hui encore le terme de « hacker·se » est confondu avec celui de pirate informatique par les médias généralistes et le grand public, d’où l’utilisation du mot « bidouilleur·se » plus politiquement correct. Made in MITTandis que les hackerspaces commencent à se développer, un autre modèle assez proche voit le jour au MIT en 2001 grâce à l’initiative du professeur Neil Gershenfeld. Il s’agit du Fab Lab que l’on traduit en France sous le nom d’atelier de fabrication numérique, et qui fait suite à un cours qui l’a rendu célèbre intitulé, « How to create almost anything » Dans la charte de création Neil Gershenfeld imagine un local pourvu de machines outils accessibles à des étudiant·e·s en design ou en art. Comme il l’indique lui même, La suite : Le Fab Lab à la française. David-Julien Rahmil |
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