Que peuvent bien fabriquer bibliothèque et Fab Lab ensemble ?

Certain·e·s bibliothécaires commencent à expérimenter l’imbrication de la bricole des Fab Labs et des savoirs disponibles dans les bibliothèques. Le Carrefour Numérique² et leurs collègues de la bibliothèque de la Cité des sciences ont entamé leur réflexion. Le lien ne coule pas de source pour le moment.

En 1970, une bibliothèque proposait des livres et des revues. En 2000, elle offrait en plus des CD et des DVD. Mettra-t-elle en 2020 des machines de prototypage et des outils à disposition ? C’était l’objet de la journée d’études « Des bibliothécaires dans un Fab Lab, un Lab dans une bibliothèque : pour quoi faire ? » organisée à Toulouse par l’association des bibliothécaires de France (ABF), à laquelle ont participé des membres du Carrefour Numérique² et de la bibliothèque de la Cité des sciences, pour mémoire la troisième plus grosse à Paris. Cette réflexion avait déjà été entamée en interne en novembre dernier, à l’occasion d’une séance de travail.

Aux États-Unis, le mélange des deux univers s’est concrétisé en 2012 et la sphère française n’a pas tardé à embrayer. Si aucune bibliothèque n’a encore d’espace permanent de type Fab Lab, des expérimentations sont menées, par exemple des ateliers d’initiation au design utilisant l’imprimante 3D ; des projets émergent, comme la médiathèque des Ulis et son Fab Lab mobile proposé dans le cadre de l’appel à projet e-inclusion de la région Île-de-France. L’ABF a constitué une commission et un groupe Facebook ouvert permet d’échanger sur le sujet.

Malentendus et points communs

Mais ce mariage des deux univers est-il si évident ? C’était une des principales questions de la journée, explique Matthieu, médiateur au Carrefour Numérique². Il y a beaucoup d’incompréhensions de part et d’autre, le vocabulaire est antagoniste, alors que nous disons la même chose. Sonia, sa collègue de la bibliothèque, renchérit : On a entendu des clichés, comme “les bibliothécaires rangent des livres”, “il ne faut pas faire de bruit”, alors que c’est faux, nous faisons déjà du zoning. (découpage spatial qui permet d’attribuer à chaque partie une activité particulière, ndlr). Le dialogue entre les deux collègues est déjà établi car chacun a déjà mis un pied dans l’univers de l’autre : Matthieu a travaillé comme médiateur à la bibliothèque et Sonia a utilisé le Fab Lab.

Passés ces malentendus, on peut enfin se pencher sur les points communs. La documentation en est un, évident. Les bibliothécaires ont une expertise, et les gens des Fab Labs ne le savent pas, regrette Matthieu. Le terme “documenter” n’a pas le même sens selon l’univers, complète Sonia. En bibliothèque, cela signifie aller chercher de l’information déjà existante alors qu’en Fab Lab, il faut créer de l’information. Le risque est de réinventer la roue pour la structuration de ces informations. Un système de gestion de base de données (SGBD) relationnel permettrait de les gérer plus facilement. Il me tarde qu’on le réalise ensemble !

Partage de la connaissance

Matthieu souligne aussi le potentiel de médiation : Cela met de la vie, ça change de la routine, ça ne peut que faire du bien. Nous pourrions appliquer la théorie, et vice-versa. Je renvoie déjà des gens à la bibliothèque, par exemple pour consulter un ouvrage sur Arduino. Certaines ressources sont également dématéralisées, ce qu’ignorent parfois les usagers des Fab Labs : Un des participants de la journée de Toulouse ne savait pas que les sites de bibliothèques proposent des contenus accessibles en ligne, nous avons ainsi un portail dédié, se souvient Sonia.

Ces deux aspects en recouvrent un troisième, la question du service public du partage de la connaissance qui est un trait d’union fort entre les deux espaces.

Interrogée à brûle-pourpoint, Audrey, une collègue de Sonia en charge du fonds informatique, fait remarquer que la pertinence du rapprochement avec le Fab Lab dépend du modèle de bibliothèque : dans une bibliothèque de conservation, cela n’a pas de sens. À celle de la Cité des sciences, spécialisée sur les techniques, les sciences, etc, cela semble plus logique. Mais on ne serait plus dans une bibliothèque dans le sens classique du terme, conclut-elle.

Dans quelques temps, ces réflexions pourraient trouver un aboutissement bien réel : la bibliothèque doit être réorganisée et le Carrefour numérique² doit s’intégrer dans la nouvelle configuration. Lorsque cela se fera, Sonia souligne la nécessité de bien accompagner les deux métiers, déjà par ce type de rencontre : Lors de la réunion interne en novembre 2013, nous avions travaillé en mode atelier, des idées concrètes en étaient sorties. Il pourrait s’agir de mettre une affiche « et si vous le faisiez vous-même ? » ou « ils l’ont fait ici ! » sur les rayons pertinents, comme BTP ou ENT, d’organiser des visites de la bibliothèque (fonds design, matériaux, etc.) à destination des usagers du Fab Lab, de former à des logiciels, de fabriquer un scanner de livres, etc. Autant d’idées dont la réalisation est à portée de main, pour peu que les envies suscitées soient soutenues par une structure en mode agile.

Sabine Blanc

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