Outils d'utilisateurs

Outils du Site


projets:balle_d_emotions

Balle d'émotions

L'idée de ce projet était d'inventer et construire un objet permettant à Jade, une adolescente en situation de handicap ayant des difficultés à exprimer ses émotions, de communiquer à son entourage ce qu'elle ressentait. Ce qu'il en ressort : une balle des émotions dont chacune des faces représente une émotion.

Conception

L’idée pour ce projet était de construire un objet permettant à Jade, une adolescente en situation de handicap, d’exprimer ses émotions. Sa capacité à s’exprimer par la parole étant limitée, certaines de ses accompagnatrices ont identifié un moyen lui permettant de communiquer : un système de pictogrammes (smileys) représentant des émotions simples (tristesse, colère, joie) qu’elle montre du doigt pour faire comprendre son émotion du moment. L’idée était alors de partir de ce système pour imaginer un objet lui donnant accès à un panel plus large d’émotions, avec pour contrainte sur l’objet d’être relativement « mou » et de pouvoir tenir dans une poche centrale de sweat-shirt.

Les premières rencontres

C’est sous la véranda d’un appartement, autour d’un verre de jus de fruit, que Jade et moi nous sommes rencontrés pour la première fois. Après l’incontournable visite de l’appartement – conduite avec un enthousiasme débordant par Jade – nous nous sommes installés en compagnie de sa mère pour un goûter. Le dialogue au sens classique étant difficile avec Jade, du fait de sa difficulté à s’exprimer verbalement, c’est en me montrant des photos sur une tablette qu’elle m’a présenté ses activités et les personnes qui lui sont chères. De mon côté, je lui ai raconté qui j’étais, et nous avons ainsi passé un moment ensemble à apprendre à nous connaître. Notre première rencontre a donc été un temps privilégié dédié à la découverte mutuelle !

C’est lors de la deuxième rencontre que nous sommes réellement entrés dans le vif du sujet. Nous avions convenu d’un rendez-vous à l’appartement avec Jade, sa mère, ainsi qu’une accompagnatrice psychologue de Jade. Cette rencontre fut l’occasion de discuter de la gêne qu’éprouvait Jade dans sa vie quotidienne : la difficulté d’exprimer ses émotions. Les sentiments et les émotions se retrouvent piégés lorsque les mots manquent pour les exprimer et qu’aucun autre moyen ne permet de les communiquer. Pour Jade, qui éprouve des difficultés à faire comprendre ce qu’elle ressent, même aux personnes qui la connaissent le mieux, c’est le cœur du problème. Car ne pouvant exprimer ses émotions, elle a tendance à les emmagasiner… Et dans les moments où elle se sent triste ou en colère, l’accumulation d’émotions négatives peut conduire à des crises violentes pour elle-même et son entourage. Pour anticiper de telles crises, ses accompagnatrices ont identifié un moyen lui permettant de communiquer : un système de smileys représentant des émotions simples (tristesse, colère, joie) que Jade montre du doigt pour partager son émotion du moment. Ce système fonctionne bien et résout déjà une partie du problème. Seuls hics :

  • Le système est resté au stade de smileys dessinés sur des feuilles A4, donc peu pratique à utiliser
  • La démarche pour amener Jade à exprimer ses émotions est purement interrogative : ce sont les accompagnatrices qui lui demandent de montrer comment elle se sent, et non elle-même qui le fait spontanément.

L’idée du projet était donc de partir de cette idée qui fonctionnait bien et de la développer pour permettre à Jade de communiquer d’elle-même ses émotions par le biais d’un objet qu’elle porterait en permanence sur elle.

La conception

Il s’agissait de réfléchir tant à la forme que prendrait l’objet qu’à son contenu, c'est-à-dire aux émotions qu’il devrait permettre à Jade d’exprimer.

Choix des émotions : Le choix des émotions s’est fait de conserve avec la mère de Jade et ses accompagnatrices, qui étaient les plus à même d’identifier les sentiments les plus importants à exprimer. Après une série d’échanges, nous avons ensemble établi une liste hiérarchisée des émotions à faire figurer sur l’objet.

Choix de la forme de l’objet : Pour réfléchir sur la forme, je suis allé à la rencontre d’une designer travaillant sur la conception d’un robot à l’usage d’enfants atteints d’autisme. Après plusieurs proposition, et des retours de la mère de Jade, nous nous sommes mis d’accord sur la forme suivante : une balle à 12 faces de huit centimètres de diamètre, rembourrée de mousse. Chacune des faces représenterait une émotion, sous forme de pictogramme, accompagnée du mot la caractérisant. Les pictogrammes seraient gravés en utilisant la gravure laser. Restait le choix du matériau des faces !

Liste finale des émotions / ressentis (non hiérarchisée): Ca va mieux / Colère / Fatiguée / Inquiète / J'ai mal / Je n'en peux plus / Je veux partir / On m'embête / Parler / Rester seule / Triste / Exclue

Réalisation

Dimensionnement de l'objet

Pour réaliser la balle à 12 faces, il s’agit en fait de construire un dé à 12 faces. Une fois rembourré de mousse, celui-ci prend la forme d’une balle. Un dé à 12 faces est – joli nom – un « solide de Platon », aussi appelé dodécaèdre. Chacune des faces d’un dodécaèdre est un pentagone. Il faut donc réaliser indépendamment chacun des pentagones représentant une émotion. La seule donnée dont on dispose étant celle du diamètre du dodécaèdre, cheminons mathématiquement pour obtenir les caractéristiques des pentagones constituant le dodécaèdre, en partant du diamètre voulu de l’objet.

1- Choix du diamètre de la sphère circonscrite au dodécaèdre : D = 8 cm

2- Calculs : Rayon de la sphère : R = 4 cm Côté d’un pentagone : c = (4 * R) / [racine(3)*(1+racine(5)] = 2,855 cm

Pour pouvoir facilement manipuler les pentagones sur le logiciel Inkscape, il est pratique de connaître la hauteur entre le milieu d’une arête et le sommet opposé : Côté pentagone voulu : c=2,855 cm Rayon sphère circonscrite au pentagone : R_pent=2c/√(10-2√5) =2,428 cm Apothème : a=(c*(1+√5))/(2*√(10-2√5) )=1,964 cm Hauteur « Milieu côté – sommet opposé » : h=R_pent+a=4,393 cm

Le tour est joué ! On a tout ce qu’il nous faut pour réaliser sur un logiciel de dessin vectoriel – dans notre cas Inkscape – les pentagones. Un petit fichier Excel pour choisir les valeurs et s'épargner les calculs est téléchargeable. Notons que l’on a rajouté des languettes aux pentagones dans l’optique de pouvoir les assembler.

Réalisation d'un prototype papier

Pour vérifier que le dimensionnement de l’objet était correct, la réalisation d’un prototype en papier a été nécessaire. En voici une photo.

Choix des matériaux et des couleurs

La mère de Jade et moi nous sommes retrouvés à la Réserve Des Arts, une ressourcerie disposant d’un entrepôt près de Pantin (Seine-Saint-Denis) pour choisir les matériaux. Deux critères ont présidé à notre choix : le toucher et la couleur.

Choix du toucher : D’emblée, afin de construire un objet agréable au toucher, le choix s’est porté sur du tissu… et nous sommes revenus les bras chargés de chutes industrielles d’alcantara (sorte de feutre) et de similicuir.

Choix des couleurs : Le toucher n’était pas le seul critère de choix des tissus. Nous souhaitions aussi que la couleur du tissu de chacune des faces, donc de chacune des émotions, revêtît un sens. On peut trouver de nombreuses études et réflexions sur l’association couleur / émotion. Pour notre approche nous avons préféré partir d’un film récemment sorti : Vice versa. Jade et sa mère ayant été voir le film au cinéma, et Jade l’ayant apprécié, nous avons essayé de coller du mieux possible au code couleur utilisé dans le film. L’éventail des émotions étant cependant plus large et et les émotions moins « classifiables » que dans le film, nous avons aussi pris quelques libertés !

Retour de la pêche aux tissus :

Choix des pictogrammes

N’ayant pas le coup de crayon inné, je me suis tourné vers les ressources d’internet sur le sujet. En cherchant bien, on trouve de nombreux sites orientés accessibilité et handicap dédiés à la représentation d’émotions et de situations de vie sous la forme de pictogrammes. En y piochant allègrement, j’ai choisi ceux qui me semblaient le mieux correspondre aux émotions, puis avec les retours de Jade aidée de sa mère, nous avons fixé la forme définitive des pictogrammes.

Découpe des éléments

On souhaite découper et graver les tissus à l’aide d’une découpeuse laser. Pour cela, il faut préparer correctement les fichiers sur un logiciel de dessin vectoriel. Ici, c’est sur Inkscape qu’ils ont été réalisés. Cf les fichiers Inkscape téléchargeables. Voici une photo de quelques éléments terminés.

Assembler les pentagones

Etape cruciale s’il en est… Plusieurs possibilités s’offraient pour assembler les pentagones. Les coller, les coudre à la main, ou les coudre à la machine. Quelques tests avec deux colles différentes ont montré que le collage risquait de manquer de résistance dans le temps, d’autant plus que Jade manipulerait souvent l’objet (celui-ci se trouvant dans sa poche !). La couture à la machine fut ensuite écartée car il serait difficile lors des dernières coutures de mettre l’objet à plat. Une solution aurait donc été de commencer les coutures à la machine et finir à la main, mais l’option choisie a finalement été celle de la couture à la main pour tous les pentagones. Il a fallu coudre les pentagones « à l’envers » par rapport à l’objet final, pour cacher les coutures à l’intérieur. Voici quelques photos des étapes de la couture.

Les pentagones avant couture :

Groupement vu à l’endroit :

Les deux groupements cousus et montrés à l’endroit :

Les deux groupements assemblés et vus à l’envers :

On a laissé libres deux languettes pour pouvoir retourner la balle afin de la « mettre dans le bon sens ». Après cette opération de retournement, il faut rembourrer la balle puis finir la couture à l’extérieur. Une photo avant l’ultime couture :

Et la balle terminée :

Remise de la balle des émotions

Lors d’une dernière rencontre à l’appartement, ce fut le grand moment de la découverte de la balle pour Jade !

Nous avons repris un peu de temps pour parler de ce qu’était cet objet, et ce à quoi il allait lui servir. Certaines des émotions vont lui demander un certain temps pour apprendre à reconnaître les pictogrammes mais sa mère et ses accompagnatrices sont sereines sur ce point ! D’ailleurs, les premiers retours assurent déjà qu’elle s’en sert !

Difficultés rencontrées

Les principales difficultés rencontrées ont concerné :

- Les réglages de la puissance de gravure sur tissus fins : par tâtonnement, j'ai finalement réussi à obtenir un aspect ni trop faiblard ni trop brûlé, mais les valeurs de puissance et de vitesse variaient même d'un alcantara à l'autre, donc pas évident d'en tirer un loi générale pour l'utilisation de la gravure sur alcantara…

- La couture à la main : pas évident pour un néophyte. Deux couture sont par ailleurs visibles sur l'objet, puisqu'il a bien fallu laisser un peu d'espace à la fin pour retourner la balle avant de finir les coutures.

- L'association couleurs - émotions : cet aspect a donné lieux à des discussions fort intéressantes, mais le choix n'était pas évident!

projets/balle_d_emotions.txt · Dernière modification: 2016/02/17 12:05 par yoleshiroy